L’arrestation d’El Hadji Babacar Dioum, présumé être le cerveau du réseau criminel connu sous le pseudonyme « Kocc Barma », marque un tournant dans la lutte contre la cybercriminalité au Sénégal. Accusé d’avoir orchestré un vaste système de chantage numérique, d’extorsion de fonds et de diffusion illégale de contenus intimes, Dioum a été déféré au parquet avec une liste impressionnante de chefs d’inculpation. Les révélations de l’enquête menée par la Division Spéciale de Cybersécurité (DSC) dévoilent l’ampleur glaçante de ses activités criminelles .
Les Charges Retenues Contre El Hadji Babacar Dioum
Le mis en cause fait face à une série d’accusations graves, notamment :
Association de malfaiteurs
Extorsion de fonds
Atteinte à la vie privée
Blanchiment de capitaux
Faux et usage de faux
Diffusion de contenus pornographiques et pédopornographiques
Ces charges illustrent la dimension à la fois financière et morale des crimes commis, ciblant des centaines de victimes à travers le pays .
Les Preuves Accablantes : Un Système Méthodique
1. Les Fichiers « Paid Not to Publish » et « Newgirl »
Lors de la perquisition de son MacBook Pro 13 pouces, les enquêteurs ont découvert 9 000 fichiers soigneusement classés. Parmi eux :
« Paid Not to Publish » : Un registre détaillant les victimes ayant payé pour éviter la diffusion de leurs sextapes. Certaines ont versé jusqu’à 2 millions de FCFA, voire 9 668 euros .
« Newgirl » : Un dossier contenant 4 191 vidéos et photos à caractère sexuel, visant de potentielles futures cibles .
« Nouveau dossier 4 » : Une compilation de 147 fichiers pornographiques supplémentaires .
Ces éléments confirment l’existence d’un système organisé de chantage et d’archivage criminel .
L’enquête a retracé des mouvements suspects sur le compte bancaire de Dioum à la CBAO :
50,428 millions de FCFA reçus d’un complice présumé entre juillet 2017 et avril 2025 .
43 millions de FCFA versés par la plateforme de publicité Exoclick, spécialisée dans les contenus adultes .
Une partie de ces fonds a été recyclée via des entreprises de façade, notamment :
« Mba Authority » (vente de véhicules)
« Eddy’s » (un restaurant où un brouilleur de signal a été découvert) .
3. Les Faux Documents et la Simulation d’Autorité
Lors des perquisitions à son domicile de Ngor, les forces de l’ordre ont saisi :
Une fausse plaque de police portant l’inscription « Section des accidents » avec le sigle officiel.
Des faux carnets de vaccination, suggérant des tentatives de dissimulation ou d’usurpation d’identité .
Les enquêteurs explorent désormais des pistes transfrontalières, laissant supposer que l’affaire « Kocc Barma » pourrait n’être que la partie émergée d’un réseau criminel bien plus vaste, impliquant des complices à l’étranger et des ramifications dans divers secteurs .
L’arrestation de Dioum a suscité une vague d’indignation au Sénégal, où de nombreuses victimes ont enfin l’espoir d’obtenir justice. Les associations de défense des droits numériques saluent le travail de la DSC mais appellent à une législation plus stricte contre la cybercriminalité .
L’affaire « Kocc Barma » révèle l’ampleur des dangers du cyberchantage et la nécessité d’une vigilance accrue sur Internet. Alors que Dioum attend son procès, les autorités sénégalaises doivent désormais poursuivre les investigations pour démanteler l’intégralité de ce réseau criminel.
Yankhouba Thiam