Depuis son arrivée au pouvoir en tant que Premier ministre, suite à l’élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence de la République, Ousmane Sonko ne cesse de marquer les esprits par ses prises de parole publiques. Son ton direct, parfois virulent et volontairement provocateur, contraste fortement avec le style habituellement mesuré et diplomatique de ses prédécesseurs. Une approche qui divise, mais qui reflète aussi une volonté affichée de rupture avec l’establishment politique sénégalais.
Historiquement, les Premiers ministres sénégalais ont opté pour une communication prudente, évitant les polémiques et privilégiant le consensus. Figures d’apaisement, ils incarnaient souvent la modération dans un paysage politique où le respect des hiérarchies et des traditions reste important.
Ousmane Sonko, lui, semble rejeter ce modèle. Ses discours, qu’il s’agisse de dénoncer « l’élite corrompue », de critiquer les anciens dirigeants ou de s’en prendre à des institutions qu’il juge complices, sont marqués par une franchise décapante. Pour ses partisans, cette manière de s’exprimer est une marque d’authenticité et une preuve de son engagement en faveur d’un changement radical. Pour ses détracteurs, en revanche, elle frise l’irrespect et pourrait nuire à la stabilité politique.
Certains analystes voient dans cette rhétorique agressive une stratégie délibérée pour maintenir sa base militante, habituée à son franc-parler depuis ses années dans l’opposition. D’autres y perçoivent simplement l’expression d’un tempérament passionné, peu enclin aux compromis.
Quoi qu’il en soit, Sonko assume pleinement cette posture. Lors d’un récent discours, il a déclaré : *« Je ne suis pas là pour plaire aux anciens systèmes, mais pour servir le peuple. Si ma manière de parler dérange, c’est que le message passe. »* Une déclaration qui résume bien sa philosophie : priorité au fond, quitte à bousculer la forme.
Si ce style séduit une jeunesse en quête de leaders audacieux, il inquiète une partie de la classe politique et des partenaires internationaux, attachés à un certain formalisme diplomatique. La question est de savoir si cette approche favorisera les réformes promises ou si, au contraire, elle creusera les divisions dans un pays déjà polarisé.
Une chose est sûre : avec Ousmane Sonko, le Sénégal entre dans une ère où le langage politique n’est plus codifié comme avant. Reste à voir si ce changement de ton s’accompagnera d’une transformation durable des institutions.
Yankhouba Thiam