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Abidjan — Malgré une pluie battante, des milliers de manifestants ont convergé samedi 14 juin vers le siège de la Commission électorale indépendante (CEI) à Abidjan, pour protester contre l’exclusion de Tidjane Thiam, leader de l’opposition, de la course à la présidentielle d’octobre 2025. Vêtus de vert et de blanc, les couleurs du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), les protestataires ont défilé pacifiquement, scandant « Justice corrompue ! » et « Thithi président ! », surnom affectueux de l’ancien patron du Crédit Suisse 18.

Le 4 juin, la CEI a retiré Thiam de la liste définitive des candidats, invoquant sa double nationalité ivoirienne et française. Bien que né en Côte d’Ivoire, Thiam avait acquis la nationalité française en 1987 et n’y a officiellement renoncé qu’en mars 2025. Selon la justice ivoirienne, cette naturalisation aurait automatiquement entraîné la perte de sa nationalité ivoirienne, en vertu de l’article 48 du Code de la nationalité . Une décision que ses partisans jugent « arbitraire » et motivée politiquement, alors que d’autres binationaux continuent de jouir de leurs droits civiques dans le pays .

La manifestation, organisée par le PDCI, a vu la participation de cadres du parti, dont Sylvestre Emmou, secrétaire exécutif, qui a dénoncé « l’élimination ciblée des opposants » lors d’une rencontre avec la CEI . Tidjane Thiam, absent physiquement, a salué la mobilisation via une vidéo sur Facebook, affirmant : « Ce combat dépasse ma personne, c’est celui de la démocratie » .

Cette exclusion s’inscrit dans un climat préélectoral explosif. Le président Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2011, briguera un quatrième mandat controversé, grâce à une révision constitutionnelle en 2016 contournant la limite des deux mandats . Les opposants dénoncent une dérive autoritaire, rappelant les violences post-électorales de 2010-2011 (3 000 morts) et craignent une répétition du scénario .

La polémique autour de Thiam relance le débat sur l’ivoirité, concept qui avait déjà marginalisé Ouattara dans les années 2000. Ironie de l’histoire : ce dernier utilise aujourd’hui les mêmes arguments juridiques contre son rival . Les avocats de Thiam tentent de prouver qu’il a hérité la nationalité française de son père (évitant ainsi une naturalisation volontaire), une nuance qui pourrait inverser la décision judiciaire

La CEI doit publier sa liste finale d’ici fin juin, tandis que le PDCI promet de « tout faire pour rétablir la légitimité » de son candidat. Dans un pays marqué par les fractures politiques, cette mobilisation pourrait annoncer un automne électoral sous haute tension

Yankhouba Thiam